Entrepreneur

Être salarié, c’est has been ;
Vite, je dois devenir entrepreneur.
Qu’on me mâche le travail me fascine,
Qu’on me lâche dans cette jungle loin des penseurs.

Je ne serai jamais libre.
Je ne serai jamais.
Mais je me croirai indépendant,
Empli de bonheur.

Pieds et poings liés auprès des banques,
Pour une création de services dont le monde se moque,
Je dois créer des besoins pour les autres, combler leurs manques,
À l’image de ce monde de vitrines et de toc.

Le cerveau en léthargie,
Je cherche une porte de sortie ;
Les élites politiconomiques m’en offrent une,
Me faisant oublier que cette offrande à la une,
Fait de moi leur produit.
Mais je m’en fiche, à défaut de vivre,
Moi je dois simplement survivre !

Je dois oublier morale et éthique,
Assassiner la raison, rejeter toute humanité.
En ais-je seulement déjà eu une ? Cynique.
Je vous le demande ! Moi qui ait abdiqué.

Oui, j’en ai la certitude,
J’en suis con-vaincu :
Je dois devenir entrepreneur !

Je ne serai jamais libre.

Au diable les vacances, une aliénation de plus
Pour l’esclave moderne. Ou Homme ? Je ne sais plus.
Jour et nuit, je dois travailler dans ce vide, serein.
Ce vide, qui m’entoure, et qui bientôt sera mien.

Je ne serai jamais libre.
Je n’ai pas le choix.
Mais je me croirai indépendant,
Empli de bonheur,
Dans ce monde capitaliste où tout est réduit
À une simple valeur d’échange ; fortuit.

Fort bien, au diable mon âme,
Au diable mon cœur,
Au diable ma raison !
Je flotte, les pieds dans le beurre,
C’est ma mission.